Le mot du capitaine


Nous sommes partis de Jacaré, au nord de Récife au Brésil, pour notre première expérience de navigation en catamaran. Nous sommes déjà convaincus que ce dernier, pour le mouillage et la vie courante, est infiniment plus confortable et facile à vivre qu’un mono aux mêmes endroits. Car le catamaran offre deux espaces bien séparés dans les coques, ce qui permet de recevoir du monde sans perdre son espace personnel.
Certains détracteurs du catamaran objecteront que « oui mais dans les marinas c’est beaucoup plus cher ». C’est vrai, il faut compter 1.5 fois le prix d’un monocoque. Sauf que notre expérience le prouve désormais : en voyage on n’est que très rarement en marina. Voire jamais dans certains pays ou régions. Autant cet argument tient pour un voyage en Europe, autant il ne pèse pas dans une circum-navigation.
Nous sommes donc déjà quasiment convaincus que notre avenir se passera en catamaran. Reste à en éprouver les avantages et inconvénients en navigation. Et pour cela notre périple sur Ystafell 2, le long de la côte est de l’Amérique du sud, de Jacaré jusqu’en argentine sera parfait.
Première constatation et pas des moindres, un catamaran ne gite pas.
Et il est vrai que cela change tout. Nous passons du mode mouillage à la navigation sans rien ranger ni amarrer. Nous avons juste les ouvrants de sécurité des coques à déverrouiller, ces ouvrants permettant de sortir – ou entrer – dans les coques en cas de retournement du bateau. Et c’est parti.
Du coup la vie est quasi normale à bord. Seuls les bruits sont différents, la mer claque sur le fond de la plate forme centrale, ce qui peut parfois être impressionnant. Le bateau encaisse aussi les coups de houles latérales, ou les mers plus hachées très différemment d’un monocoque. Effectivement ce dernier est appuyé et équilibré par la voile, le catamaran beaucoup moins. Cela donne parfois des mouvements brusques et un peu dans tous les sens.
Mais globalement, et après deux mois de pratique, il n’y a aucun doute : le catamaran est aussi bien plus confortable à la mer. Ce qui n’est pas neutre la fatigue étant de ce fait bien moindre. Et par conséquent, moins de risque d’erreurs et donc d’incidents.
Le risque de retournement
Souvent mis en avant par les pro-monocoques, dont je fus. Aujourd’hui, avec les moyens météo dont on dispose, la rapidité des bateaux et leur conception améliorée sur ce point le risque est très très faible. D’ailleurs qui a entendu ou vu – ou entendu parler – d’un plaisancier retourné avec un cata de plaisance construit après les années 2000 ? Il doit y en avoir bien sûr mais il y a fort à parier que de nombreuses erreurs ou événements exceptionnels furent associés à ces accidents (forcément graves, surtout au large). Notons aussi que le risque existe aussi en monocoque, mais il a l’avantage de se remettre droit. Oui mais dans quel état ? Bref nous sommes désormais convaincus que cet argument n’en est pas vraiment un.
Reste la manœuvre, le réglage, la navigation proprement dite.
Les manœuvres de port : infiniment simplifiées grâce aux deux moteurs, un par coque. On peut facilement faire demi-tour sur place, ou modifier sa direction sans même un geste à la barre. La manœuvre se fait comme dans un char, et c’est très satisfaisant, avec bien moins de stress au port.
Les manœuvres sont également facilitées par le fait qu’il n’y a pas de gite. La circulation est aisée sur le pont, et on dépasse rarement le mât où l’on s’amarre facilement.
La grande difficulté est de préserver son gréement et de porter la toile strictement nécessaire. Sur un monocoque vous sentez tout de suite si vous avez trop de voiles sorties : gite excessive, départ au loff (le bateau remonte tout seul face au vent). Sur un catamaran on ressent beaucoup moins les effets du vent fort. On navigue sans souci jusque 30kn de vent au portant et toutes voiles dehors. Surtout si on fait son quart confortablement installé dans le carré.
Sauf que chaque bateau a ses limites, de gréement notamment. Il convient de les connaitre et de les respecter, au risque de casser son mât, ce qui effectivement arrive plus souvent sur catamaran, sûrement pour cette raison. On passe donc les ris (réduction grand voile et voile d’avant) à partir d’un maximum de vent apparent relevé ou prévu. Par exemple sur Ystafell on passe un ri GV à 15kn, 25kn, 30kn d’apparent. On adapte les réductions de la voile d’avant en fonction de l’orientation du vent et de l’état de la mer. Le choix du capitaine d’Ystafell 2 est de privilégier la veille. A mon bord, je configurerai systématiquement les alarmes de vent sur les différents passages de ri. Comme je le fais déjà sur Maverick II, mais là c’est à mon sens encore plus important de ne pas risquer de se mettre à la faute. Pour le coup on a croisé plusieurs personnes durant notre périple qui ont démâté eux-mêmes ou croisés des plaisanciers ayant fait cette rude expérience.
Voilà nos impressions après ces premières expériences catamaran. Nous restons convaincus, et c’est pour cela que nous allons (sniff) nous séparer bientôt de Maverick II, pour un Maverick III à deux coques. Mais c’est une autre histoire….
Comme toujours passionnants vos récits !
Et le cata, je suis fan .
Bonne découverte maritime et terrestre
Des bisous
Un cata c’est aussi le double au prix d’achat !
C’est pas faux, sauf pour nous avec notre alu. Nous ce ne sera que 20 % plus cher, donc plus facile. Ce qui ne nous empêche pas de vendre notre bien immobilier pour réaliser ce changement !
Hehe tu viendras nous rejoindre à Tahiti! ??
Article et partage très intéressant.
Victime de mal de mer sévère sur monocoque, et avant d’enterrer mon rêve de grand départ, est ce que l’option «catamaran » pourrait être une solution?
Qu’en pensez-vous ?
Merci pour votre article !
Quelques arguments en faveur du mono quand même :
Le coût d’achat et d’entretien bien plus élevé du cata.
Selon où on est on pourra sortir de l’eau le cata plus difficilement, pour caréner (dans ce cas là on planifie à l’avance donc ce n’est pas vraiment un souci) ou pour se mettre à l’abri / faire de la strat sur la coque.
La facilité de remonter au vent du mono (bien sûr dépendant du mono et du cata).
Les sensations de navigation sont différentes, ça dépend bien sûr du bateau, mais quel plaisir en mono (très subjectif)
Tous vos points sont justes : le confort au mouillage ou on passe 90% du temps, les manœuvres au port… Le risque de retournement aujourd’hui doit être proche de zéro sur un cata de grande série : c’est le mât le fusible.
Je rajoute : la capacité d’emport, la vitesse du bateau qui est très souvent supérieure à un mono, le tirant d’eau faible, ce qui permet outre de s’approcher de la plage d’aller se mettre à l’abri dans la mangrove à la moindre alerte.
Bon vents
Le profane de la navigation en haute mer que je suis a déjà pris une bonne leçon et je suis épaté de toutes ces connaissances nécessaires. Trop sensible au mal de la mer je me fais tout petit… En conclusion cependant je notre une sérieuse évolution par rapport à Maverick II : le confort incomparable à la Marina et en mer , la sécurité et les meilleures performances. A première vue une belle opération que vous êtes tout à fait capables de transformer en franc succès.
Geneviève et Roger