
Nous voila partis pour notre première longue traversée. 4 nuits en mer, ca change du cotier, mais pourquoi ?
Déjà il faut vous dire que pendant 5 jours et 4 nuits vous ne pourrez compter que sur vos propres capacités. Hors problème très grave vous devrez aller du point de départ au point d’arrivée par vos propres moyens, dans des conditions de confort les meilleures possibles et de sécurité optimales.
Le bateau est rangé, tout fonctionne bien, tout a été vérifié, testé, les drag bags sont remplis.
Deux éléments principaux sont à prendre en considération : la sécurité et le confort. Ce dernier est important aussi pour la sécurité : si on a pas de confort on se fatigue, si on se fatigue on risque plus de faire des erreurs. Si on fait des erreurs on risque l’accident. Donc les deux sont liés, et importants.
Et le confort alors ?
Ca part déjà d’un bon avitaillement. Prévoir les menus, midi et soir, selon la météo (on cuisine moins s’il y a mauvais temps, ou beaucoup de houle), ne rien oublier d’essentiel. Il faut pouvoir cuisiner quel que soit le temps et l’état de la mer. Sur notre traversée, à part 30h du départ avec 2m de houle la mer a été plutôt calme. On a donc pu cuisiner tranquillement.
Ensuite il y a le sujet des douches : si on fait du moteur pas de problème, on aura une eau chaude à 82°, donc douche agréable assurée. Nos 450 litres d’eau nous permet une douche régulière. Partis avec le plein, on arrive avec plus des 2/3 du réservoir. Deux douches chacun (ben oui, en mer on se lave pas tout les jours, surtout si l’eau est froide. En plus on expérimente nos ressources pour les futures grandes traversées, donc on fait à l’économie et on mesure…) et la vaisselle ont constitué toute notre consommation. 5 jours à deux a consommé 1/3 de notre ressource, en bonnes conditions de confort. Bel enseignement pour plus tard. Sur une traversée de l’atlantique, sous l’équateur, on consomme moins d’eau car on s’arrête parfois pour se baigner. Alors on se rince simplement à l’eau douce, ca permet de consommer moins. Nous expérimenterons ca plus tard.
Le confort c’est aussi avoir les vêtements adaptés prêts à servir. On a géré ca lors de la préparation histoire de faire face à toute situation. Finalement il aura fait assez chaud, jamais moins de 15° même en pleine nuit. On est donc resté avec petite doudoune, comme il faisait sec aucun souci de ce coté là. S’il avait plu il aurai fallu gérer de rester toujours au sec, et préserver notre intérieur. Ca n’a pas été les cas cette fois ci, que du beau temps.
Il faut aussi gérer les déchets. Sujet délicat. On opte pour rejeter tout l’organique à la mer, pratique décriée par certains puristes mais utilisée par 98% des voyageurs. Pour tout le reste on expérimente une pratique apprise sur radio ponton : le remplissage des bidons d’eau avec les déchets non recyclables. on a un bidon de 5l d’eau, qu’on vide en remplissant les 3 premières bouteilles bues. Ce bidon devient le réceptacle poubelle. On y rentre tout le contenu de la poubelle de bord, en coupant les emballages si besoin. On stocke le bidon rempli à sa place initiale, quand il contenait de l’eau. Propre et sans odeur, idéal.
Ici les déchets d’un copain qui a traversé l’Atlantique, un mois de traversée, à 5, voila tout ses déchets optimisés, et c’est un végétarien plutôt écolo, il a pas du rejeter grand-chose en mer, pas mal non ?

On est en expérimentation et sur une traversée plutôt courte. On a donc remplacé le bidon par une bouteille de lait à large goulot et une bouteille. Résultat nos déchets optimisés ont tenu dans une seule bouteille d’1l de lait et une d’1.5l d’eau. Donc on a de la marge pour les futures grandes traversées.

Enfin pour occuper les quarts de nuit on a expérimenté les films et séries. Idéal pour passer le temps et ne pas s’endormir pendant la veille. Faut juste penser à télécharger des films avant de partir…
Et donc, la sécurité ?
Point essentiel de la traversée. Et le plus complexe évidemment. Premier élément de sécurité l’état général du bateau et de ses éléments vitaux, dans l’ordre d’importance, la sécurité individuelle, les outils de navigation, le moteur, l’énergie, les voiles, le pilote automatique.
La sécurité individuelle. La journée par beau temps on ne s’astreint pas à grand-chose, sauf pour les manœuvres sur le pont ou on porte systématiquement gilet, harnais, éventuellement casque pour la manœuvre du tangon.
La nuit tout change. On passe en « mode nuit ». Gilet, frontale, harnais, lampe de repérage, capteur de distance du bateau (si l’équipier tombe à l’eau une sonnerie se déclenche à la table à carte). Personne ne quitte le cockpit sans que l’autre équipier soit réveillé et en tenue. La personne de veille ne doit jamais hésiter à réveiller l’autre en cas de doute ou de besoin.
Les outils de navigation. C’est un ensemble électronique de cartographie, de récupération de la météo, de signalement de notre position par l’Ais, de récupération des données de vent, de profondeur, de vitesse.
Le système doit fonctionner quoi qu’il arrive. On a un système en fixe, le pc de bord, relié à tous les systèmes, et plusieurs modes dégradés. 5 en tout : Un pc portable capable de se substituer au pc de bord défaillant avec exactement les mêmes fonctionnalités. Deux autres pc portables opérationnels avec cartographie, capables de se connecter en lieu et place du pc de bord. Chaque pc portable de secours peut aussi fonctionner en solo, avec une antenne gps autonome. On a pas toutes les infos dans ce mode dégradé mais on a l’essentiel : sa position sur une carte.
Enfin on a un ipad et un iphone, tous deux connectables ou pas au réseau et informations du bord, disposant d’une cartographie autonome, et de la capacité de télecharger le météo par téléphone satellite.
Depuis début janvier on a aussi la dernière génération de téléphone satellite : l’irridium go .

C’est une sorte de hotspot qui génère un réseau wifi avec les satellites. Ca ne permet pas de surfer sur internet mais ca permet de télécharger la météo ou que l’on soit sur la planète, d’envoyer et recevoir des mails, des sms, et même de téléphoner. C’est un élément de sécurité cher mais tout à fait essentiel. On adore !
Pour le moteur, l’entretien régulier assure une belle fiabilité. J’avais fait la révision des 200 heures avant de partir de Cadix, pas grand-chose à craindre de ce coté là. Au pire j’ai à bord les pièces essentielles, démarreur et alternateur, les docs techniques, de quoi faire une vidange, changement des filtres, purge des réseaux gas oil et refroidissement, et bien sur tout les outils possibles ! La seule chose à craindre serait une panne majeure, extrêmement rare sur un moteur diesel bien entretenu. Un moteur de bateau c’est rustique, ce n’est pas un moteur de voiture, et il n’y a aucune électronique essentielle. Le peu qu’il y a peut être contourné. Au final notre bon moteur aura avalé sans sourciller les 30h quasi ininterrompues de la fin de parcours, à 1500 t/mn pour 5-6 kn de vitesse. Pas une goutte d’huile consommée, moins de 2.5l/h de gas oil.
L’énergie est plus complexe. Il faut assurer environ 8-10 a/h de consommation. Pilote automatique, électronique de bord (ordinateur, instruments, gps, ais), frigo, divers éclairages (feux de navigation, éclairage cabines) et recharges (ordinateurs portables, téléphones téléphone satellite). Pour cela on a trois sources de recharges : une éolienne, qui ne donne que quand il y a pas mal de vent, et encore assez peu quand on est au vent arrière. Donc en théorie le fabriquant la vend comme fournissant 29 a/h, en pratique et dans des conditions raisonnables (celles ou évoluent la plupart des voyageurs prudents), elle fournit à peine 2 a/h…. Le panneau solaire, mais il faut du soleil, donc pas la nuit, fournit entre 4 et 6 a/h. L’alternateur du moteur qui lui fournit environ 20a/h.
Donc dans le meilleur des cas on fournit 8a/h et on consomme entre 8 et 10. Moralité il faut de toutes façon faire tourner le moteur deux heures par 24h. En fait même les bateaux très optimisés font ca. L’alternative serait de se blinder en panneaux solaires, ajouter un hydrogénérateur, charger un gros parc batteries et optimiser toutes les consommations. Cher et difficile, donc recours au moteur ou à un petit générateur à essence.
Maverick dispose de 400 a/h, ce qui donne un maximum utilisable de 80 A/h, sur des batteries neuves, en pratique, avec des batteries de 2017 ca donne environ 40 a utilisables sans abimer les batteries. Donc on lance le moteur au moins deux fois par 24h. Ca fait de l’eau chaude en plus.
Les voiles sont l’élément principal de propulsion du bateau. Il faut les conserver en bon état, les bichonner, les faire bien travailler. Nous avons une grand voile et un génois neufs, pas de soucis de ce coté là.
Le pilote automatique est le troisième et fidèle équipier du bord. C’est un système hydraulique qui est géré par une pompe électrique. Ca consomme environ 4-5 a/h, mais ca évite de barrer. On ne le fait que par plaisir, ou ponctuellement lors de manœuvres. On peut se passer de cet équipier mais la traversée serait beaucoup plus fatigante. Au lieu de regarder un film pendant la veille on barrerai. Pas passionnant par petit temps, fatiguant par plus gros… Un pilote bien entretenu est robuste, le notre sera révisé avant la traversée de l’Atlantique en fin d’année.
Conclusions de la traversée ?
Le bateau et l’équipage se sont bien comportés. Aucun souci majeur. Quelques petites bricoles (connectiques de la pompe de transfert gas oil, pompe de cale babord à vérifier) à faire sans urgence.
Les enseignements furent nombreux. On a expérimenté en live l’iridium, super outil, on ne le quittera plus. Trop bien de pouvoir appeler ses proches au milieu de nulle part, d’échanger des mails. Bientôt on pourra envoyer des petites photos, cette fois ci il nous manquait un outils pour les réduire facilement.
Nous sommes donc prêts pour augmenter la durée de traversée. Prochaines à venir 2-3 jours pour les Canaries ou le Maroc. Et en juillet 7 jours vers le Cap Vert. La répétition générale avant la traversée de l’atlantique en fin d’année.
On en reparlera surement…
très instructif!
Bonjour. Je viens de m’inscrire sur votre blog et page fb. J’ai lu votre compte rendu de traversée Cadix Madère avec attention. Les détails fournis sont très appréciables. Je vous encourage à continuer sur cette voie. Bon vent à vous. Nous aussi jeunes retraités on pense mettre les bouts au printemps 2022. A bientôt sur un mouillage peut être. JM
Super. La route est longue jusqu’au départ, les embûches nombreuses mais si vous persévérez vous découvrirez la vie en voyage, sans contraintes de temps… Le bonheur. Faut être très attentif à avoir le bateau adapté à son programme et a son budget. Le mètre supplémentaire ne coûte pas si cher à l’achat, mais très cher à force dans les marinas et l’entretien…bon courage à vous.
Bonjour, quel est le prix d’une traversée cadiz -funchal svp? Véhicule de 6,30m +2adultes
merci de votre reponse
Excellent, le descriptif et les commentaires sont des aides importantes pour nos futurs navigations merci et bon vent a vous .
Merci beaucoup. Et avec grand plaisir ce partage ! ?