Notre croisière dans les canaux de Patagonie

Aujourd’hui c’est le grand jour. Enfin, après le départ reporté par deux fois, l’embarquement se fait à 16h30 ce samedi 31 décembre 2022 sur le Ferry Esperanza, de la compagnie Navimag (des précisions seront données à l’issue de ce post), arrivé ce matin à 11h00 sur une mer d’huile. Installation dans notre cabine, prévue jusqu’à 8 personnes. Heureusement le bateau est rempli du moins du quart de ses capacités. Nous nous retrouvons donc à 4 avec un autre couple pas bien causant.

Nous partons pour au moins 4 jours/4 nuits. En voici le parcours :

Il faut préciser que ce ferry n’est pas un bateau de croisière mais sert au transport de fret entre Puerto Natales et Puerto Montt, le transport des locaux, des camions et de leur chauffeur qui voyagent avec nous (heureusement pas au même prix), et les touristes comme nous. Le tout dans une des contrées les plus inhospitalieres du monde, sur près de 1500 km. Juste un village de 75 âmes, Puerto Eden, où pourtant nous ne nous arrêtons pas… Navimag y stoppe si besoin pour du fret, à leur demande.



Le départ est de nouveau reporté. La faute au vent fort nous poussant vers la terre. Le capitaine, un pince sans rire bien sympathique, nous informe d’un départ à tout moment dès la baisse du vent. Première tentative après le dîner à 21h00. Les marineros dans leur zodiac sont en place puis… repartent ! A 22h00 ils reviennent à double vitesse. Et c’est le départ. Youpiiiii ! 


Quelle belle manœuvre et avec si peu de marge…

Les lumières de Puerto Natales s’éloignent et nous en sommes très heureux. Cette ville ne nous laissera pas de souvenirs indélébiles. Tout était très cher, difficile pour se trouver à déjeuner même sur le pouce, gustativement rien d’exceptionnel, et rien à visiter. Nous avons écumer les bars et café à wifi, en les sélectionnant selon les prix. Payer un expresso à 3,60€, c’est quand même un peu cher ! 


Bref, nous sommes heureux de nous éloigner et… Et le bateau manœuvre et se remet face aux lumières de la ville. Nous croyons un instant qu’il retourne sur ses pas. Et non. Nous pensons qu il s’arrête juste pour la petite fête du nouvel an qu’ils organisent. 
Hé bien non ! 

Mais quel est cet objet ?

Nous nous en rendrons compte le lendemain à notre réveil à 5h du matin pour voir le lever du soleil. Et là, horreur, nous sommes toujours en vue de Puerto Natales ! Le ferry n’a donc pas navigué cette nuit. Les règles sont-elles les mêmes que pour les voiliers: Navigation interdite la nuit ? Pas totalement. Nous apprendrons que la navigation est trop difficile à la sortie de Puerto Natales. Le ferry ne doit donc pas naviguer de nuit sur cette zone. Pour la suite du voyage, le ferry avancera de nuit. Nous le regrettons car, de ce fait, certains paysages, sites où animaux nous échapperont d’autant que, au petit matin, toutes les portes sont fermées.



Pour notre première journée, la météo est mauvaise: pluie et grand vent. Les lumières n’en sont pas moins belles surtout lorsque quelques trouées de ciel bleu apparaissent (vidéo)

Nous remontons face à celui-ci, ce qui serait absolument impossible avec Maverick. Il y a au moins 40 nœuds établis, et des rafales à plus de 60 nœuds (120 km/h). Le maxi enregistré 74 kn (150 km/h). Interdiction de sortir sur les ponts. Trop dangereux. Nous profitons donc des vastes espaces et fauteuils. Nous avons tout plein de place. C’est génial ! Nos repas se font face aux baies vitrées : un vrai spectacle vivant, même par mauvais temps ! Regardez bien les photos ci dessous. Nous ne sommes -presque- seuls face au vent (vidéo)


Thé et café sont à disposition. Nous apprenons, comme sur Maverick, à profiter du temps qui passe, sans aucun réseaux. Regrets d’être peu anglophones ou hispaniques car très très peu de français ici. Nous rencontrons deux québécoises, dont une ancienne navigatrice, skipper/teacher naviguant au sextan dans la baie de San Francisco et bien évidemment dans les Caraïbes et autres lieux emblématiques. Son voilier, de travail, fut détruit lors de l’ouragan qui a sévit en 2007 sur cette zone avec des vents de plus de 300 km/h. Depuis, elle s’est reconvertie (elle a 72 ans) en voyageuse au long court, entre ferry, bateau de croisière et découverte des lieux en bus ou avec son véhicule récréatif dans les parcs naturels américains. Et Lise, son binome, ancienne prof de fac à Ottawa, elle aussi voyageuse au long cours, d’origine lointaine perigourdine. Elles se sont trouvées et programment ensemble leur voyage au jour le jour. Quelle jolie retraite ! Elles nous invitent à boire une bouteille de vin chilien avec dégustation de beurre de sirop d’érable en provenance directe du Québec, dans leur cabine, pour partager nos expériences de vie, nos souvenirs respectifs et le plaisir d’être ensemble. Nous terminerons le jour suivant notre jolie bouteille de Porto pour leur plus grand bonheur. Encore un grand merci cher Christophe. 



Nous prenons nos habitudes et le soleil nous éclairera tout au long du second jour. Entre nuages et soleil, que c’est beau… (vidéo) (vidéo)

Nous remontons le canal, bien balisé, la seule route préservée des tempêtes du pacifique. Quelquefois, le passage devient bien étroit pour un si large bateau qu’est le nôtre. Les fonds peuvent s’élever de 800 mètres à moins de 4 mètres en très peu de distance.

Et lors de l’un de ces passages étroits, une vierge apparaît, sur un « motu » , terme polynésien pour décrire cet îlot (merci Sarah-Pearl).

Il s’agit de la vierge des marins, protectrice des navigateurs, en hommage à ceux morts sur les canaux (800). Le capitaine la salue à coup de sirène tout au long de l’ilot (vidéo)

Le capitaine nous invite dans l’après midi à visiter la passerelle de commandement.

En permanence 2 personnes au minimum y sont présentes. 100 tonnes de carburant sont nécessaires pour  l’aller/retour. Le capitaine fait des rotations tous les 2 mois. C’est à dire, 1 aller/retour par semaine. Sacré rythme ! 


Quelques mots sur cette remontée : des monts et montagnes à perte de vue, des forêts, des cascades et ruisseaux en abondance. Et pas âme qui vivent sur ces milliers d’hectares. Cela semble tellement étonnant… Aucun être humain ne vient envahir cet espace naturel gigantesque. Et l’hiver, quels paysages ce doit être… Juste ce ferry qui passe 2 fois par semaine en été, en hiver certainement moins et quelques navigateurs et pêcheurs… 

Nous profitons des paysages, des oiseaux, albatros, petrels…

Et de la vue de quelques baleines, otaries et loutres de mer.


Un appel sur le pont : nous arrivons sur l’épave d’un navire échoué (vidéo)

Explications du capitaine

Le canal Messier est profond de plus de 1 280 mètres à certains endroits, faisant de lui un des fjords les plus profonds au monde. Il existe pourtant un seul rocher au milieu de ce canal, à deux mètres sous l’eau… Le capitaine Leonidas, qui n’avait pas cette information, vint s’y échouer en 1963, au cours d’un voyage vers Valparaiso avec une cargaison de sucre. Le capitaine a vainement tenté de le couler pour toucher les assurances, mais la tentative a mal tourné puisqu’il finit en prison… Le bateau, lui est toujours bien planté sur son rocher. Avant celui-ci, un premier bateau avait coulé en 10mn suite à une collision avec le même rocher. Heureusement le capitaine est parvenu à faire évacuer les 120 passagers et membres d’équipage en seulement 8mn, et les mettre « à l’abri » dans une caletta voisine. Les rescapés passeront quand même quelques jours très frais et peu confortables en attendant les secours.


Mais bientôt nous rejoignons le passage extérieur, côté océan Pacifique. Et là, ça commence à bouger fort. A l’extérieur, sur le pont, entre tangage et vent fort, il nous faut nous aggriper au barres installées tout au long des passages. 
A l’intérieur, ce n’est guère mieux. Les chaises et fauteuils roulent, et en cuisine, bruits de vaisselles et de casserolles nous font comprendre que c’est compliqué pour eux aussi. Le capitaine modifie donc pour une heure sa route, afin que nous dînions sans risque de renverser plateaux et tables. Et éviter tout accident corporel. 

Retour vers nos couchettes où nous sommes secoués assez fort jusque minuit. Étonnant ! 
Nous apprendrons qu’il n’est pas fréquent que le ferry soit bousculé de la sorte. En effet, étant peu rempli, aussi bien au niveau fret que passagers, il est bien plus léger que d’habitude.


Le jour suivant la bruine est de retour. Nous sommes de nouveau dans les canaux. Le vent s’est calmé, comme la houle.

Nous profitons d’un moment de répit, un petit coin de ciel bleu, la douceur…. avant que la pluie et le brouillard ne reviennent en force et nous avalent doucement mais sûrement (vidéo)



Notre arrivée prévue ce mercredi matin paraît bien compromise.


Et voila, la nouvelle est tombée : arrivée prévue à… 19h00, soit plus de 36h de retard par rapport aux prévisions de voyage. Heureusement j’avais prévu une journée tampon à puerto Montt au cas où… Nous ne verrons rien de cette ville, puisque nous décollons jeudi matin à 7h30 pour Santiago.
Nous devons être abonnés au moteur en panne : ystaffel avec son hélice en moins ne nous a pas permis d’ utiliser les deux moteurs du cata sur notre descente jusqu’à Buenos Aires. Sur Esperanza, le moteur est arrêté depuis 2jours. Est-ce une panne ou n’a t’il pas le droit d’aller plus vite par temps de brouillard. En tout cas, un seul moteur tourne… D’où ce retard si important.
La brume très importante ce matin s’est presque  levée (vidéo)

Les paysages sont splendides. Et il fait maintenant très chaud.

Et voilà, nous voici arrivés à 19h00 après une magnifique manœuvre (vidéo). Un dernier repas est servi à 18h30. y’a pas à dire, l’équipage et la compagnie sont vraiment top. Étant assez éloignés du centre un système de minibus est mis en place pour nous amener à la gare routière.

Les derniers au-revoir et nous voilà de retour à la civilisation. Impression très étonnante, d’autant que la ville de Puerto Montt n’est pas aussi touristique que Ushuaia. Nous ne la visiterons pas assez pour apporter des précisions sur celle-ci.


Côté pratique


L’Esperanza, nouveau navire de moins de 3 ans, moderne et fonctionnel, fait un aller/retour toutes les semaines (sauf retard important). Il part le mardi de Puerto Montt, et arrive le vendredi. Il repart le samedi matin de Puerto Natales (embarquement la veille) et revient à Puerto Montt le mardi matin. 
Si vous décidez d’utiliser ce ferry, prenez de la marge (nous avons eu 36h de retard) et apparemment c’est fréquent. L’équipage, très réactif, s’occupe des annulations qui en découlent. 
Le personnel est très professionnel, les chambres nettoyées chaque jour. 
Les repas sont de qualité. Tous les menus, copieux, ont été différents et constitués uniquement de produits frais. Du fait du retard, deux repas supplémentaires ont été servis, sans aucune difficulté. 
Nous ne pouvons que recommander cette croisière, qui ne ressemble à aucune autre puisqu’il n’y a pas d’escales, donc pas de descentes à terre. Les journées sont rythmées entre les repas, la contemplation des paysages et lumières toujours changeantes, la lecture, les jeux, les rencontres et discussions. Et aucun réseaux. Une magnifique expérience même si, pour notre part, nous y sommes quelque peu habitués ! 

8 thoughts on “Notre croisière dans les canaux de Patagonie

  1. Coucou Isabelle et Jean-Benoit, c’est toujours un plaisir de suivre votre périple et merci de ce partage!! J’en profite pour vous souhaiter une très belle année 2023 avec plein d’aventures et de découvertes autant culturelles que humaines ??
    Diane et Pascal

    1. Hello les amis, merci beaucoup à vous de ce message qui nous va droit au cœur. Tous nos meilleurs vœux également pour cette nouvelle année. J’espère que nos chemins se recroiseront quelque part sur les mers du monde. On vous embrasse ?

  2. Avant toutes choses, meilleurs voeux pour cette année 2023. Je lis avec toujours beaucoup de plaisirs votre aventure d’autant plus que je vais faire bientôt ce genre de croisière au cap Horn (C’était mon rêve d’ancien marin) que je ne connais pas. J’ai hâte d’avoir la suite de vos nouvelles. Merci

    1. Bonjour et merci. On a croisé deux femmes qui on fait une croisière via le Cap Horn et qui en ont été enchantées. Nous comme on ne l’a finalement pas fait avec notre bateau on y reviendra pour le faire comme vous. Idéalement si la fortune nous sourit avec un autre rêve : l’Antarctique…

    2. merci beaucoup. vous allez adorer : c’est unique ! Quelle est la date de votre croisière ? êtes vous sur facebook ou insta afin que nous discutions en message privé ? je crois savoir que vous êtes moursien et que vous faites du vélo avec JP. Nous nous sommes peut être croisés dans une vie antérieure. trop rigolo ! belle continuation à vous ??

      1. Bonjour les navigateurs (et aventuriers),
        En réponse à votre message j’aimerais bien discuter en privé mais je ne suis pas adepte et utilisateur de Facebook ou Insta., je communique uniquement par mail, WhatsApp.
        Je pars pour la Patagonie le 5 avril pour un voyage en petit groupe (5 à 10 pers.) comprenant une virée de 4 jours sur un bateau comme celui que vous avez pris (mi- cargo mi – passagers) avec visite du phare du Cap Horn (si le temps le permet), le retour se fera par Valparaiso (port mythique pour les marins). J’ai vu le cap de Bonne Espérance et je souhaitais voir le Horn.
        Je vous ai connu par l’intermédiaire de J.P. Pendu avec qui je pratique le vélo, je suis admiratif de votre parcours et j’espère bien vous voir lorsque vous serez de retour.
        Je vous communique mes coordonnées quand vous le voulez.
        Amicalement.
        Bons vents
        Claude

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